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Performance financière vs. Culture d’entreprise : le risque de basculement

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Transformation des Organisations

« Nous sommes une entreprise fondée sur l’humain ». Cette phrase, nous l’avons lue, relue, entendue, réentendue, à maintes reprises ces dernières années. L’humain au centre de tout, dans une société devenue plus sensible aux enjeux d’usure et décidée à valoriser les femmes et les hommes, dans des modèles toujours plus inclusifs, plus soucieux de l’environnement. Le paradis sur terre en fin de compte !

Malheureusement ces déclarations d’intention fort louables se heurtent à un principe de réalité et résonnent souvent comme un vœu pieux qui résiste mal aux exigences de performance financière, étalon de mesure principal et quasi unique aujourd’hui. Car si les transformations veulent en affichage faire la part belle à la mise en valeur de l’humain, elles sont avant tout drivées par des impératifs de business, de rentabilité court-terme, et s’écartent bien souvent des objectifs humanistes annoncés.

Et si la clé d’une croissance durable, qui ne se mesurerait pas uniquement au travers de la performance financière, mais également humaine, passait par le respect de sa culture d’entreprise, en s’appuyant sur sa communauté managériale et en faisant preuve de congruence (c’est-à-dire l’alignement des actes avec les paroles) ?

On a pu observer ces dernières années quelques dérives chez des grands groupes pourtant initialement si novateurs et disruptifs. C’est ainsi que le manque de congruence vient casser la dynamique de croissance. Arrêtons-nous quelques instants sur Google et son fameux « don’t be evil », Netflix avec son « no rules rules », Apple et son injonction « think different », ou encore Disney et « quand la magie prend vie », qui sont devenus au travers des années des modèles disruptifs absolus.

Au fil de leur croissance, ces entreprises, comme bien d’autres, se sont heurtées à des nécessités de profitabilité, afin d’éviter de faire chuter le prix de l’action et de rassurer des boards d’investisseurs toujours plus gourmands. Avec des choix stratégiques à opérer. Et c’est là que tout a basculé !

  • Netflix a officialisé en 2023 la fin de la gratuité pour les partages de compte
  • Google retire en 2018 son moto « don’t be evil » et conclut un partenariat avec l’armée américaine pour équiper d’IA des flottes de drones à des fins militaires
  • Apple a cessé d’innover pour « réinventer » des I-Phone toujours plus chers pour des nouvelles fonctionnalités de plus en plus accessoires (souvenez-vous : « this is a revolution »)
  • Disney continue d’épuiser jusqu’à la corde ses filons dorés des franchises Star Wars et Marvel dans un fan service toujours plus déceptif.

Résultats observés :

  • Chez Google : départ de plus de 3000 collaborateurs en 2018 après qu’a fuité l’information sur le partenariat militaire, plan de licenciement de 12.000 personnes en 2023, lancement désastreux de Bard en réponse à son concurrent ChatGPT
  • Netflix est confronté depuis cet été à la chute de son action à Wall Street, avec un revenu par abonné en baisse
  • Apple connaît en 2023 son exercice le plus déficitaire depuis 2016. Sa réponse ? Un I-Phone jaune…
  • Disney fait face à une contestation sociale et des critiques spectateurs sans précédents

Quelles leçons en tirer ?

1.       Tout d’abord que la culture d’une entreprise représente davantage qu’une énumération de valeurs, et qu’elle doit être fondée sur un principe de sincérité et d’exemplarité de son Codir, sans quoi la promesse vendue se révèle mensongère, avec les effets dévastateurs auprès de ses forces productrices. « Dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit ». Dès lors que cet adage n’est pas respecté, la trahison se voit très vite auprès des collaborateurs, mais également auprès de consommateurs finaux, qui finissent par tourner les talons.

2.       D’un point de vue marque employeur, si seulement 5% des meilleurs candidats décident de signer à la concurrence plutôt que chez vous, ces 5% iront innover chez les autres, et c’est ainsi que les premiers signes de déclin apparaissent.

3.       D’un point de vue consommateur, le phénomène d’attrition va rajouter une pression supplémentaire sur le niveau de profitabilité, et donc encourager le cercle vicieux de la recherche de rentabilité « défensive » : plans sociaux, plafonnement des salaires, pression managériale sur la productivité, économies à toutes les strates de l’entreprises, dégradant ainsi un modèle auparavant si performant.

4.       La sincérité se joue aussi du point de vue collaborateur ! Ambitions sociétales, recherche de sens et d’éthique sont autant de valeurs nobles qui masquent une réalité bien plus pragmatique et égocentrée, faite de progression statutaire ou de revalorisation salariale… Ou la preuve qu’humanisme et individualité restent des variables difficilement conciliables.

Quelles sont les clés pour lutter contre ce phénomène ?

Au-delà des prises de conscience bienveillantes et qui n’engagent à rien, certaines pistes concrètes pourraient permettre de faire un 1er pas vers une évolution plus vertueuse des comportements :

1.       Une première piste consiste dans l’intégration prioritaire d’une mesure de la performance qui ne soit pas uniquement financière, mais également humaine, fondée sur un NPS collaborateurs, la sacralisation de la marque employeur au même niveau que le CoEx, par des pratiques managériales alignées avec les valeurs et la culture de l’entreprise. Certaines réflexions sont d’ailleurs en cours sur la baisse de la charge de travail, comme vecteur d’amélioration de la productivité, ce qui peut apparaître comme antinomique mais qui semble se vérifier.

2.       Une autre clé réside dans la valorisation et l’empowerment de la communauté managériale et collaborateurs, ancre qui permet au bateau de ne pas chavirer par gros temps, socle qui permet de faire vivre le business au quotidien et qui détient la meilleure perception des signaux faibles et des axes d’amélioration. Cela implique l’ouverture à une délégation partielle des pouvoirs, souvent encore compliquée à faire accepter par certains Comex, encore très imprégnés de culture Top Down, avec des Codir omniscients, plus diplômés et plus intelligents que les masses productrices, mais parfois déconnectés des réalités terrain.

3.       Cela suppose enfin de repenser en profondeur sa culture d’entreprise et son modèle managérial cible, en se posant les questions qui fâchent : « suis-je sincère dans ma croyance sur les valeurs que j’affiche, ou est-ce que je les utilise dans une logique marketing opportuniste ? », « mes valeurs sont-elles en accord avec ma réalité au quotidien ? ». En cela, le modèle culturel affiché ne doit pas s’éloigner de la réalité opérationnelle, quitte à accepter de n’atteindre que 90% de ma performance financière potentielle. On touche ici à un questionnement qui peut apparaître philosophique, mais qui n’est en réalité qu’un ajustement devant servir une croissance plus pérenne et mieux maîtrisée.

Ou lorsque la vertu se révèlerait in fine la meilleure alliée de la performance…

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