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[Point de vue d’Expert] Digitalisation des Achats : appuyer là où ça fait mal

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Cet article présente l’opinion de l’un de nos experts Achats

Connaissez-vous le Dr Elouise Epstein ?

Partner à A.T Kearney, elle est une référence du Digital Procurement. Elle porte des convictions fortes, et n’hésite pas à appuyer là où ça fait mal…

 

La digitalisation des Achats en échec.

Je vous partage ici mes notes de lecture de son dernier ouvrage, que je vous invite à vous procurer (Trade wars, pandemics, and chaos: How digital procurement enables business success in a disordered world). Bien évidemment ces notes ne reflètent que ma propre compréhension-interprétation.

Spoiler alert : ça frappe fort !

260 pages brillantes partageant un constat cinglant : la digitalisation des Achats ? Un échec cuisant auquel tout le monde a contribué, des clients aux éditeurs en passant par les consultants. Passons en revue 4 de ses points :

1. La digitalisation des Achats est un échec car le focus est maintenu sur la réduction des coûts plutôt que la création de valeur

Mon avis : d’accord, mais…

Depuis que j’ai commencé à travailler, j’entends & je lis deux choses : que les achats « cost-killers » c’est fini, et que cette année, vraiment, c’est la bonne, l’objectif « Savings » n’a jamais été aussi bas (tout en restant l’objectif n° 1) ! D’un autre côté…j’entends & je lis cela depuis 10 ans ;).

La position du Dr. Epstein est que malgré les discours, la vision « coût achat bas = plus grande valeur » reste majoritaire, et que cela a été flagrant dans le cadre de la crise COVID. Je cite : « Combien de modèles de risques prenaient la peine de regarder les produits d’entretien ? »

 

2. La digitalisation des Achats est un échec car on ne parvient toujours pas à maîtriser les données

Mon avis : d’accord !

Quand j’ai démarré, l’époque était au BIG DATA. Pourtant – et une récente étude du CNA l’a d’ailleurs fait ressortir – une majorité de directions Achats admettent avoir une base fournisseur de mauvaise qualité. Mais pourquoi ? Comment, encore aujourd’hui ?

La base fournisseur n’est qu’un exemple parmi d’autres de la rengaine simple et pourtant si difficilement appliquée : on ne peut améliorer que ce que l’on peut mesurer… et j’ajouterai qu’on ne peut mesurer que ce qui est structuré, normé, dans une solution dont c’est l’expertise, soutenu par une organisation et un processus de maintien de la donnée.

De même, les projets de digitalisation manquent souvent de KPI pensés en amont :

– Quelle est l’utilisation réelle de la solution ?

– Comment les délais d’approbation / rapprochement ont évolués ?

– Est-ce qu’on utilise toujours Excel pour piloter ?

 

3. La digitalisation des Achats est un échec car l’apport à la RSE reste limitée : où sont les processus P2P automatisés pour orienter les prescripteurs vers les fournisseurs / produits les plus respectueux ? Où sont les critères de choix réellement discriminants ?

Mon avis : d’accord, mais…

Le constat s’applique à l’ensemble de la société. Quant aux Achats, l’OBSAR en France fait tout de même ressortir une amélioration de l’intériorisation des pratiques d’Achats Responsables. Les barrières historiques sautent petit à petit (manque d’alignement stratégique, manque de normes auxquelles se référer, manque de compétence, manque de fournisseurs en capacité de s’aligner…), et si la perfection n’est pas encore au rendez-vous, nous voyons nos clients intégrer de plus en plus des critères RSE lors du choix d’un fournisseur ; et c’est d’autant plus vrai dans l’industrie et, plus généralement, là où les Achats directs sont plus présents et disposent donc de plus de leviers à activer.

 

4. La digitalisation des Achats est un échec car les éditeurs et les consultants ont poussé la logique full-suite au détriment du Best-Of-Breed

Mon avis : difficile de se positionner…

…Sur la thématique « intégré » vs « best of breed » qui justifierait un article à elle seule. En revanche, ce point est au coeur de l’ouvrage et est hyper intéressant. Le Dr Elouise Epstein affichant clairement une préférence pour le model best-of-breed, qu’elle reprend dans sa désormais célèbre « Spider Map ».

A la manière de nos smartphones, le futur des Achats réside selon elle dans un socle plus technique que fonctionnel, qui saura intégrer de multiples Apps. Et qu’il est anormal qu’un client paye pour mettre en place une connexion avec une appli tierce : pour elle, c’est l’éditeur qui devrait porter ce coût.

A ma connaissance, je n’ai pas encore vu cette pratique sur le marché français…

Mais plus largement – gardez en tête que ces notes ne représente que ma lecture, n’ayant pas encore eu l’occasion d’échanger avec l’auteure – l’approche « Best of Breed » à tout prix me pose plusieurs questions :

– Quid du pilotage SI d’un mille-feuille de couches applicatives métiers portant chacune un micro-processus Achats ?

– Quid de la maîtrise, la non-redondance & la qualité de la donnée Achats dans cette vision, alors qu’elle dénonce justement l’incapacité des Achats à piloter leurs données ?

Sa démonstration reste cependant très riche et doit nous challenger sur l’identification des meilleures solutions pour nos clients : il est vrai que ces dernières années une myriade de solutions de niches se sont développées – plutôt aux USA qu’en Europe et encore moins en France à ma connaissance.

 

Pour conclure, il y a une phrase du livre, à laquelle je souscris 1000 fois  :

It’s asinine to send a 300-question request for proposals (RFP) that asks for details on whether a vendor has a particular feature.

Traduction : il est complètement stupide d’envoyer des grilles excels de 300 lignes aux éditeurs pour leur demander s’ils savent ou non gérer telle ou telle fonctionnalité.

C’est une conviction que je partage : s’il est évident , nous avons trop souvent vu des round finaux de décision qui faisaient apparaître des décimales de différence dans la notation de deux solutions  : peut-on se satisfaire de départager deux solutions car l’une est notée 8,98/10 et l’autre 9,01/10 ?

Si ce constat vous parle, si vous êtes en phase de réflexion sur votre pilotage des Achats, ou si vous voulez simplement nous dire que vous avez aimé cet article, n’hésitez pas à nous écrire ;) !

Benoit kaora
D'accord, pas d'accord ? Parlons-en !

Benoit Portevin – Responsable Offre Achats